Retour sur l’évaluation par les pairs testée dans le MOOC Développement Durable CentraleSupélec

Pascal da Costa est enseignant-chercheur à l’École CentraleSupélec. Il est directeur du département sciences de l’entreprise et responsable du MOOC développement durable.

CentraleSupélec (CS) déployait en septembre 2016, pour la troisième année consécutive, un Massive Open On-line Course (MOOC) sur le développement durable.

Les deux premières sessions du MOOC ont réuni 15000 étudiants environ, entre les mois de février et d’avril 2014 et 2015. Le MOOC a aussi été utilisé dans le cadre de formations de grandes écoles et d’universités : à CS (pour plus de 550 élèves-ingénieurs centraliens), AgroParisTech, TelecomParisTech, Aix-Marseille et Paris-Saclay. Le MOOC a également fait l’objet d’utilisations collectives par des associations, des mairies et d’un reportage de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

Depuis la deuxième session de février 2015, une innovation technologique axée sur le numérique a consisté à mettre en œuvre la constitution libre d’équipes en binômes et de permettre à chaque binôme de déposer son article scientifique, puis d'évaluer le travail de groupes de pairs et, enfin, d'enregistrer et de restituer les notations.

L'évaluation de copies par les pairs est devenue de facto un outil majeur pour la notation d'étudiants sur des travaux d'application, du fait des volumes d'inscriptions aux MOOC.

Pour favoriser un rendu qualitatif d'évaluations par les pairs, les étudiants reçoivent au préalable une grille de notation, ainsi que des textes et des vidéos explicatifs disponibles en ligne. Cette grille porte sur cinq aspects à évaluer : clarté des propos, qualité de l'argumentation, structure du texte, maîtrise de la langue, consignes et écriture.

Pour le chercheur Mathieu CISEL (Cisel, 2013) : « les barèmes et les grilles de notation constituées sont fondamentales pour réaliser une évaluation par les pairs de qualité. Cependant, ce sont par bien des aspects des outils assez rudimentaires, car les participants n’étant pas des examinateurs professionnels, peuvent avoir du mal à choisir une note pour un critère donné si on ne les y forme pas ». La plateforme Coursera, sur laquelle est jouée le MOOC Développement Durable de CS, conseille de fournir des exemples de travaux « mauvais, bons et excellents » en plus de la grille, afin de permettre aux évaluateurs de « se calibrer » par rapport au professeur.

On remarque par ailleurs que l’évaluation par les pairs permet la mesure d’une compétence nouvelle chez les étudiants : celle d’ « évaluateur », soit de juger les travaux des autres. Notre expérimentation est-elle cependant assez robuste pour faire apparaître dans le bulletin une note supplémentaire calculée à partir de la moyenne des évaluations réalisées ? Une mention plus qualitative de type « évaluateur confirmé : X travaux de pairs évalués avec sérieux et compétence » est-elle préférable ? A ce stade, les enseignants confrontés à ces questions semblent rarement s’accorder sur les réponses à y apporter.

En terme d'opportunité, l'évaluation par les pairs confronte donc l'élève-ingénieur et son groupe à sa capacité à se positionner en terme, à la fois, d'autonomie et de responsabilité avec, là encore, de nouvelles questions : l'étudiant dont le rôle est accru du fait de son choix de leader d'équipe, doit-il bénéficier d’une valorisation (qui pourrait passer par l'obtention d'un « badge virtuel » sur la plateforme ou d'une pondération positive de sa note) ? Les dépôts d'évaluation « en retard » seront-ils ou non tolérés à l’avenir ? Ces questions ne sont pas triviales dans la mesure où elles collent bien souvent à la réalité de la vie professionnelle auxquelles les étudiants seront ensuite confrontés au cours de leur carrière : une responsabilité accrue est souvent synonyme de meilleure grille salariale ou de plus forte reconnaissance ; les projets livrés en retard sont sources de dégradation d’image ou de pénalités…

- Pascal Dacosta